On a appelé la graisse de phoque la pénicilline naturelle du Nord, et cela semble bien vrai puisqu’en médecine traditionnelle, on s’en sert plus que tout autre produit animal ou végétal. Elle est plus efficace, plus utile et plus répandue que d’autres graisses animales comme celle du caribou ou de l’ours ; on peut s’en servir crue, bouillie ou même rance. Lorsqu’on tue un phoque, la graisse destinée à l’usage médicinal doit être finement tranchée plutôt que pressée. On tente de préserver les parties qui contiennent le plus d’huile, soit le cou en été, et les hanches en hiver. La graisse doit être bien propre, sans viande, sang, ni poussière.
Bien que l’espèce de phoque importe peu, on semble préférer la graisse du phoque barbu, de préférence très jeune. En général, on se sert de la graisse provenant d’un mâle pour soigner une femme et vice versa.
La graisse de phoque sert souvent à traiter les infections cutanées. Appliquée en tranches minces ou frottée sur la peau, elle guérit efficacement les coupures, les brûlures, les blessures, et l’impétigo, sans compter qu’elle arrête l’épanchement du sang. On peut la mâcher pour soulager les maux de gorge ; versée au compte-goutte, elle guérit la cécité des yeux et les maux d’oreilles.
Jobie Cookie raconte l’histoire suivante pour prouver l’efficacité de ce remède. « Quand j’étais enfant — Ö ! nous étions tous de petites pestes — quelqu’un m’a fendu le doigt d’un coup de hache par accident. Mon doigt tenait à peine par un petit bout de peau. Nous y avons frotté de la graisse de phoque, et cela a mis tout un hiver à guérir. Mais le voilà ... Si cela arrivait aujourd’hui, je vous parie qu’on me l’amputerait. »
On peut aussi faire bouillir la graisse de phoque. Certains la laissent mijoter jusqu’à ce qu’elle soit noire car « plus ça mijote, meilleur c’est », nous dit-on. Pendant la cuisson, on teste la température avec une aile d’oiseau dont on place l’extrémité dans la graisse ; si elle brûle, l’huile est prête. On conserve la graisse bouillie dans des viscères d’animaux (l’estomac, la gorge, les nageoires) que l’on conserve dans un endroit frais. On en absorbe à la cuiller pour combattre la toux ou faciliter la respiration. Parfois mêlée à des feuilles de thé du Labrador, on la frotte sur la peau pour traiter les engelures, les rhumes et les malaises généraux, mais on doit en ingérer pour qu’elle soit vraiment efficace.
La graisse rance mâchée et mélangée à du duvet de lagopède peut traiter les coupures ; en gouttes, elle est efficace contre les maux d’oreilles.