Au cours de l’été 1983, Johnny Palliser et moi-même avons voyagé pendant deux mois dans les treize collectivités du Nord québécois où nous avons interrogé les Aînés sur la médecine traditionnelle. Le présent rapport expose les résultats de cette recherche. Recueillie par le biais d’interviews de groupes, l’information a révélé certaines tendances qui nous renseignent un peu sur la nature de la connaissance chez les Inuits.
Les similarités et les différences caractérisant les connaissances médicales des diverses collectivités constituent l’une de ces tendances. Isolés géographiquement, les villages n’en sont pas moins reliés par les liens de parenté de leurs habitants. Par exemple, l’usage de peaux de lemming pour faire suppurer un furoncle est une pratique généralisée dans le Nord, mais, alors que certains insistent sur l’usage de la peau de la patte avant droite, d’autres prétendent qu’on doit se servir de la peau du dos, ou encore de la peau du ventre, et bien sûr, toute autre partie est « inutile ».
Par ailleurs, l’étude a mis en lumière les contrastes entre la médecine des Inuits et celle des Blancs. La première est une médecine dite populaire ; les gens partagent leurs connaissances des traitements, lesquels sont administrés gratuitement. Chaque Inuk possède les rudiments de la médecine traditionnelle qui est une médecine sans institutions ; elle n’a ni écoles, ni livres, ni règles, et la plupart des praticiens ne sont ni formés, ni spécialisés. Notons cependant trois exceptions : les sages-femmes et les « chirurgiens » sont en quelque sorte formés, bien que le talent et la disposition comptent pour beaucoup ; on dit par ailleurs du cadet qu’il est le « docteur de la famille » et qu’il peut guérir les infections cutanées (cloques et bosses) simplement en les léchant.
Comme celle des Blancs, la médecine des Inuits comporte beaucoup d’expérimentation, mais d’une tout autre nature. Pour l’Inuk, chaque traitement est une expérience, et le recouvrement de la santé est la seule preuve acceptable de réussite. Il ne s’agit pas ici de preuves venant confirmer des « hypothèses ». C’est pourquoi les données que nous avons recueillies systématiquement semblent parfois se contredire. Voici ce que Markussie Lijaituk dit de l’expérimentation : « Quand j’étais enfant, je me suis un jour traité moi-même. J’étais atteint de la cécité des neiges et j’ai décidé de me frotter les yeux avec des airelles ; j’ai eu très mal et j’ai pensé que j’allais mourir ou que mes yeux allaient éclater. Lorsque je me rappelle cet incident, je pense qu’en essayant de me soigner moi-même, je me suis infligé une grande douleur... Une autre fois, j’ai inventé une cure pour un furoncle ; j’ai mélangé du savon Sunlight, du gruau Quaker, un peu d’eau et quelques gouttes de graisse de phoque. Ça a très bien marché. Si j’avais continué à inventer ce genre de chose, je serais médecin aujourd’hui ! »
Pour bien des raisons, la médecine des Blancs éclipse progressivement la médecine traditionnelle dans le Nord. Les Inuits continuent toutefois de se servir des cures traditionnelles, en particulier lorsqu’ils campent et surtout pour les cas d’engelures et de quasi-noyade ; en effet, ils n’ont guère confiance dans le traitement administré par les dispensaires dans ces cas-là. Bien que la médecine populaire des Inuits comporte maintenant plusieurs substances médicinales du Sud, nous avons convenu de ne présenter ici que les traitements traditionnels. La distinction entre le « traditionnel » et le « nouveau » est en quelque sorte arbitraire, mais, si nous voulons vraiment découvrir un savoir authentiquement inuit, cette distinction doit être établie. Évidemment, il y a ce commentaire d’un Inuk : « Bien... on a déjà pressé une pelure d’orange dans les yeux d’une personne souffrant de la cécité des neiges. Pas vraiment traditionnel, n’est-ce pas ? Mais ça a marché ! »
L’information est présentée sous deux principales rubriques : maladies et substances médicinales.
Texte par Jonathan Stevens
Ivujivik, signifie « glace qui s’empile et s’entremêle (surtout le long du rivage) ».
Les iglous adoptaient différentes formes selon la taille de la famille. Il ne fallait pas que se forment des gouttes à l’intérieur, ou que la suie s’accumule, surtout après une tempête. Il fallait nettoyer tous les jours.