Étude des schèmes d’établissement inuits et des stratégies de subsistance dans les régions côtières du Nunavik.
Le département d’archéologie d’Avataq a realisé divers travaux dans le cadre de sa participation à l’Année polaire internationale (API).
L’archéologie des Thuléens/Inuits doit être développé au Nunavik. Un des faits intéressants que nous connaissons à propos des sites thuléens et inuits du début de l’hiver c’est qu’ils sont presque exclusivement localisés sur les îles. Nous ne connaissons que très peu de structures semi-souterraines localisées sur la côte. Par ailleurs, les occupations de printemps, d’été et du début de l’automne sont en général localisées sur la terre ferme et sur les îles. Cela semble indiquer une différence dans la stratégie de subsistance qui est étroitement liée aux saisons. Dans l’état actuel des connaissances, il serait intéressant de mieux documenter ce modèle d’occupation du territoire qui semble ressortir des données disponibles. Il faut déterminer si celui-ci a évolué dans le temps et pour quelles raisons. Cette étude sera pertinente dans la perspective de mieux comprendre les dynamiques sociales et les changements climatiques.
La technologie sera aussi un thème intéressant pour ce projet étant donné que nous ne connaissons à peu près rien sur les stratégies d’acquisition et de transformation des matières premières par les Thuléens/Inuits au Nunavik. Aussi l’utilisation de l’os comme matière première pourra être documenté dans le cadre de ce projet. Les stratégies d’acquisition sont certainement liées à la dynamique sociale mais nous ne savons pas de quelle façon ces stratégies ont influencé cette dynamique. Les changements climatiques ont pu avoir un impact sur ces stratégies en rendant l’accès aux ressources plus difficiles et en forçant les groupes à investir leur énergie dans des alternatives.
À l'été 2007 et 2008, des équipes composées d’une vingtaine de personnes ont participé à la fouille d'un site archéologique (IbGk-3) ainsi qu’à un bref inventaire archéologique dans la région. Le site IbGk-3 est situé près de la communauté d'Inukjuak, sur Itingualuk (l’île Drayton) sur la côte est de la baie d'Hudson. Les travaux ont été réalisés dans le cadre de notre participation à l’Année polaire internationale (API). La recherche a été initiée par Daniel Gendron et dirigée par Pierre M. Desrosiers.
En plus de Pierre M. Desrosiers, l’équipe était composée de Tommy Weetaluktuk, Sackariassie Pauloosie (chasseur-guide), Allie Nalukturuk (chasseur-guide), Annie Kokiapik (cuisinière), Mae Partridge (cuisinière), Paulusie Inukpuk et Chris Amgiyou tous deux assistants chasseur-guide. Deux étudiants européens ont participé aux travaux : Claire Houmard (étudiante au doctorat, Université Paris 10, France) et Enrico Foietta (étudiant universitaire, Italie). Neuf étudiants inuits ont fait l’apprentissage des méthodes de fouilles dont l’arpentage, le dessin technique, le carroyage et le relevé des artefacts. Ils ont participé aux travaux de terrain durant quatre semaines. Ces étudiants sont : Natalie Echalook, Abraham Kasudluak Mina, Abilie Williams, Magan Kasudluak, Stephan Mina, Tommy Niviaxie, Allie Aculiak, Moses Idlout et Susie Mina. Certains de ces étudiants ont aussi eut la chance de recevoir une formation en géographie de la part de l’équipe de géomorphologues de l’Université Laval qui nous accompagnaient. Cette équipe, sous la direction de Najat Bhiry, était composée d’Anne-Marie Lemieux, Elsa Censig et Bryan Sinkunas.
Les fouilles ont permis d’établir un certain nombre de faits concernant le site IbGk-3. Celui-ci semble avoir été occupé par les Paléoesquimaux durant une période possiblement plus ancienne que 2500 ans avant aujourd’hui. Près de 2000 ans plus tard le site a été à nouveau occupé par les Inuits qui y ont construit des qarmait avec tunnel d’entrée. Durant l’été 2007, seule une petite portion du site a été ouverte et déjà un élément important ressortait de ces recherches. Nous avons en effet découvert du bois ayant servit à construire la charpente de ces maisons, un élément plutôt rare dans l’Arctique de l’Est. Ces découvertes vont nous permettre de mieux connaître les anciennes techniques de fabrication de ces maisons.
Par ailleurs un court inventaire nous a permis d’identifier plus d’une quarantaine de nouveaux sites principalement sur Itingualuk mais aussi sur Innalikallak (île Harrison) et Napaartulik (île Patterson). Cela montre la grande richesse du patrimoine archéologique dans la région et en particulier sur les îles. Parmi ces sites se trouvent de nombreuses habitations estivales, des structures secondaires comme des pièges à renard, des caches et des tombes ainsi que de nombreux sites paléoesquimaux. Plusieurs carrières de siltstone ont aussi été visitées.
À l'été 2008, l’Institut culturel Avataq a continué ses recherches archéologiques sur Innaliit (îles Hopewell) près d’Inukjuak. L’équipe, dirigée par Pierre M. Desrosiers, assisté d’Elsa Cencig, était composée de Nally Weetaluktuk et Andrew Epoo, eux aussi employés d’Avataq. À ceux-ci, se sont joints des participants locaux ; Simionie, Alacie et Andy Nalukturuk, Joanie Elijassiapik et Allie Nalukturuk. L’école de fouille a accueillie 14 élèves du secondaire : Allie Aculiak, Bobby Angnatuk, Moses Idlout, Natalie Echalook, Bobby Elijassaipik, Alec Epoo, Pamela Inukpuk, Sarah Iqaluk, Matiusi Kasudluak, Megan Kasudluak, Tonya Moreau, Eva Nowra et Paulo Palliser. Anne-Marie Lemieux, une étudiante à l’Université Laval était présente pour comparer les données géomorphologiques et archéologiques afin d’étudier l’évolution des habitations dans la région. Elle a mené plusieurs entrevues avec des aînés afin de compléter son travail. La géomorphologue, Najat Bhiry de l’Université Laval était aussi sur les lieux ainsi que Dominique Marguerie de l’Université de Rennes, spécialiste en essence de bois et en dendrochronologie.
Les étudiants d’Inukjuak ont reçu une introduction à l’archéologie d’une journée à l’école d’Inukjuak. Sur le terrain, ils ont été initiés à la fouille archéologique et ont reçu d’autres formations comme une introduction à la géologie du quaternaire et une autre en dendrochronologie. Simeonie Nalukturuk leur a raconté l’histoire et les légendes traditionnelles de la région le soir autour du feu. Ils ont aussi effectué une visite guidée par les géologues de l’Université McGill sur le gisement qui contient les roches les plus anciennes de la terre.
Le travail a eu lieu principalement sur le site IbGk-3. Ce campement a été fréquenté d’abord par les Paléoesquimaux qui y ont aménagé des structures légèrement creusées. Par la suite les Inuits ont creusé des maisons semi-souterraines sur le même site afin d’en faire un campement d’hiver. La structure 1 (une maison semi-souterraine inuite) fut l’objet principal de la fouille. Nos travaux ont permis de dégager davantage la structure de la charpente qui est constituée de bois et de tourbe. Dans quelques-unes des unités de fouille, il a été possible d’extraire tout le bois afin d’atteindre les aménagements internes de la maison (i.e., la zone habitée). Étant donné la lenteur qui a caractérisée la fouille des éléments en bois, nous avons concentré une partie de nos efforts à l’avant de la structure, qui est une zone de rejet. Ce dépotoir témoigne des activités et du mode de vie de ceux qui ont occupé la structure 1. Il est composé essentiellement de restes osseux et de déchets de taille.
Plusieurs personnes ont visité notre camp de travail dont les aînés Lucy Weetaluktuk et Adamie Niviaxie qui ont passé une journée sur le site à répondre à nos questions. De manière à comprendre la stratégie d’acquisition du bois et afin de pouvoir dater le bois utilisé pour construire ces habitations, du bois flotté a été prélevé sur les plages des îles avoisinantes afin d’en déterminer l’âge et la provenance. Cela constituera éventuellement un matériel comparatif pour de futures recherches.
Parallèlement au travail réalisé sur le site IbGk-3, nous avons initié la documentation du site IcGn-8 en collaboration avec Adrian Burke de l’Université de Montréal, qui s’est joint à nous pour une dizaine de jours. Nous avons procédé à la cartographie de cette immense carrière où l’affleurement de siltstone a plus de 700m de long. Des zones de taille de la pierre, certains mesurant possiblement jusqu’à un mètre d’épaisseur, bordent à plusieurs endroits cet affleurement. L’équivalent de deux mètres carrés répartit dans trois sondages fut fouillé sur le site en 2008. Ce travail résultat en la collecte de plus de 60 000 artefacts, principalement des éclats de taille. Des informations ont aussi été collectées sur plus de 200 percuteurs en pierre qui ont été laissé sur place. Ces derniers ont servis à détacher des parois d’immenses éclats qui furent ensuite transformés en outils.
Finalement, différentes îles ont été visitées afin d’inventorier les sites archéologiques présents. Cela nous a permis de découvrir de nombreux de sites et de répertorier des centaines de structures archéologiques. Des sources de pierres environnantes ont aussi été identifiées et échantillonnées, mais aucune nouvelle carrière n’a été trouvée. Dans cette région riche en ressources, les îles furent intensément habitées et plusieurs années de recherches actives seront nécessaires pour mieux documenter l’histoire de la présence humaine depuis 4 000 ans.
Contact : Daniel Gendron, Pierre M. Desrosier
Pour plus d'information :
Dynamic Inuit Societies in Arctic History : http://ipy.utoronto.ca/
Nunatsiaq News : http://www.nunatsiaqonline.ca/archives/2007/710/71012/news/nunavik/71012_592.html
Documents en ligne au sujet de ces recherches
Rapport de recherche
IPY Archaeological Project, Inukjuak Fieldwork 2008. AR259
Institut culturel Avataq
2009