L’approche en géographie historique et culturelle fournira une nouvelle vision des phénomènes historiques et culturels nordiques en abordant les processus d’humanisation autochtones du territoire nordique du Nunavik et de ses ressources, ceci avec une attention particulière aux roles des femmes, en vue d’une meilleure compréhension des enjeux actuels des mutations du Nunavik et de ses ressources. En plus d’encourager la collecte de données originales, exploitées grâce à des méthodes éprouvées de traitement de l’information, la recherche conduira à la réalisation d’outils qui serviront de cadre d’activités de formation aux trois cycles scolaires, ainsi que de références utiles dans les processus d’harmonisation des territorialités inuites et québécoise.
L’orientation de recherche de ce module s’inspire d’une question en apparence fort simple : “Qu’est-ce qu’un espace humanisé ?” Au Canada comme dans beaucoup d’autres sociétés au passé colonial, les modes occidentaux d’humanisation du territoire – notamment par l’agriculture, l’exploitation des ressources et l’urbanisation – ont longtemps été perçus comme les uniques indicateurs d’occupation et de transformation humaine de l’espace. Selon cette perspective, le domaine de la “nature” est perçu comme l’opposé de l’espace humanisé, et les activités des peuples qui s’y rattachent ne semblent régies par aucun modèle précis d’économie, de production ou d’appartenance politique. Et pourtant, les peuples autochtones du Canada tiennent de plus en plus à définir autrement leur relation au territoire, autant en termes de développement, de politique et de création d’une société civile qu’en termes d’activités traditionnelles, telles que la chasse, la pêche ou le piégeage. L’articulation de cette problématique est aussi complémentaire avec celles des modules environnement, ethnohistoire et histoire et archéologie en ce qu’elle cherche à définir une nouvelle relation entre une discipline scientifique et un savoir basé sur la tradition et l’accumulation de connaissances par le biais de la transmission orale. De plus, les questions concernant l’expérience des femmes ont pour but d’élargir et de diversifier la vision de l’espace canadien en se tournant vers les modes autochtones et féminins d’occupation du sol et leurs façons propres d’humaniser le territoire. Cette perspective est d’autant plus pertinente qu’elle vient rejoindre une préoccupation archéologique exprimée dans le cadre de l’étude des nombreuses techniques de transformation de la matière généralement attribuées à l’univers des femmes et en particulier le traitement des peaux longtemps considéré un travail exclusivement féminin.
Les études anthropologiques ont beaucoup contribué au développement des connaissances sur les dynamiques culturelles des populations autochtones du Nord. Par son approche spécifiquement axée sur l’espace et la relation au territoire, la géographie, quant à elle, offre des possibilités de recherche encore sous-exploitées. Les géographes québécois se sont relativement peu intéressés au Nord, du moins dans une perspective historique et culturelle. De plus, l’exploitation accrue des ressources depuis la seconde moitié du 20e siècle et le changement de statut politique des autochtones suscite de nouvelles questions qu’il devient urgent d’aborder. Les recherches mettront à profit les approches et méthodes de la géographie historique et permettront d’établir un lien entre les problématiques nordiques contemporaines du Nunavik et les mutations, à travers le temps, du milieu humain et physique. L’ouverture de plus en plus grande de la société québécoise à sa réalité multiculturelle nécessite des études qui tenteront de montrer que le territoire québécois regroupe des territorialités multiples, chacune d’elle porteuse d’une relation culturelle à l’espace qui lui est propre; il en va de même pour le territoire canadien. L’analyse de la territorialité des Inuit du Nunavik viendra ajouter d’importantes données originales pour l’analyse du territoire multiculturel québécois et canadien.