Ce module s’inscrit dans la continuité des orientations définies dans la précédente ARUC « Des Tuniit aux Inuit », lesquelles portaient sur la reconstitution des conditions paléoclimatiques et paléoenvironnementales des sites archéologiques. Des études paléoclimatiques de haute résolution, multiples et basées sur une démarche pluridisciplinaire permettront de documenter la relation, souvent évoquée par certains archéologues, même si controversée, entre les variations climatiques et les changements culturels observés dans l’Arctique. En effet, il semble que les fluctuations climatiques de l’Holocène supérieur (depuis 3500 ans A.A.) ont influencé les dynamiques des peuplements de l’Arctique et l’évolution des cultures, par leurs conséquences directes sur les conditions environnementales et sur la disponibilité en ressources alimentaires et matières premières. Selon d’autres archéologues, les changements culturels sont plutôt associés aux différentes stratégies d’adaptation et d’innovation technologique et, aux considérations sociales, politiques et économiques des groupes humains. Il serait certes révélateur d’évaluer l’importance du déterminisme climatique à différentes périodes de l’occupation humaine du Nunavik.
L’objectif central du module vise donc une meilleure compréhension de la relation Homme/Environnement dans l’Arctique québécois depuis 4 000 ans A.A., en portant une attention particulière aux effets et conséquences des changements climatiques. L’hypothèse selon laquelle le climat a modifié le paysage de l’Arctique et par conséquent le mode de vie des Inuit et ce, à différentes échelles spatiales et temporelles guidera les recherches de ces modules. L’impact du réchauffement climatique amorcé au début du siècle sur le paysage de l’Arctique et sur le mode de vie des Inuit sera au cœur des problématiques de ce module.
Trois volets sont proposés :
1. Volet paléoenvironnement. Ce volet s’intéresse à l’évolution climatique et environnementale, tant locale que régionale, durant l’Holocène moyen et supérieur, ainsi qu’aux interactions entre l’Homme et son environnement. La géomorphologie et la stratigraphie permettront de dresser un cadre chronostratigraphique des processus naturels (dynamiques et diagénétiques) et anthropiques ayant affecté les sites archéologiques. L’analyse des macrofossiles végétaux des milieux tourbeux et lacustres situés à proximité des sites archéologiques vise à reconstituer l’évolution des conditions environnementales à l’échelle locale. La micromorphologie des sols servira à comprendre la genèse et l’évolution complexe des sédiments archéologiques associés tant aux changements environnementaux qu’aux différentes phases d’occupation humaine.
2. Volet archéobotanique. L’étude des matériaux organiques prélevés des sites archéologiques s’intègre à une approche aussi bien écologique qu’économique des sites. Liée au volet précédent, elle débouche sur la reconstitution de l’environnement et son utilisation par l’homme pour s’approvisionner en alimentation végétale, en plantes médicinales, en combustible ou en matériau de construction. Les différentes méthodes de l’archéobotanique dites « environnementales » se fondent sur les analyses de pollens (palynologie), de charbons de bois (anthracologie), de bois gorgés d’eau (xylologie), de fruits et graines (carpologie ou paléoethnobotanique), et de phytolithes découverts dans les sédiments archéologiques. L’étude du bois flotté (lequel constitue la principale ressource ligneuse) ramassé sur les estrans permettra de retracer l’orientation et l’intensité des flux océaniques généraux et des vents. Dans leur utilisation par les hommes dans un passé lointain ou récent, les bois flottés peuvent avoir fait l’objet d’une sélection compte tenu de leurs origines spécifiques, de leur morphologie dont principalement leur calibre, leurs qualités intrinsèques, telle la présence ou absence de nœuds afin d’être utilisé comme bois d’œuvre (perches de tente, ossature de qajaq), objets manufacturés (arcs, flèches, manches, récipients) ou combustible. Nous abordons là l’aspect technologie du bois indispensable à l’étude des objets archéologiques en bois.
3. Voletarchéoentomologie. Depuis que l'étude des insectes provenant des sites archéologiques a débuté dans les années 50, la majorité des recherches s’est déroulée dans le nord-ouest de l’Europe dans le but de documenter environnements naturels jadis occupés par l’Homme. Des études, en particulier celles visant des membres de l’ordre coléoptère, visent la compréhension de la relation entre les changements climatiques, la végétation et les insectes Étant donné que l’Homme modifie son environnement, en utilisant à titre d’exemple les plantes avoisinants le site, les études archéoentomologiques permettent d’identifier l'influence humaine sur le paysage. Des conditions environnementales régionales et locales peuvent être ainsi reconstituées parce que certaines espèces des coléoptères sont sténotypiques, c’est-à-dire représentants d'un habitat particulier ayant pour résultat une adaptation à un environnement précis. C'est cette caractéristique qui fait des coléoptères de précieux indicateurs paléoécologiques au-dessus d'autres ordres d’insectes. Les coléoptères ont également une capacité marquée pour la colonisation de nouveaux environnements indiquant leur utilité à ce type d'étude. L’intégration de diverses données issues des méthodes géoarchéologiques qui seront utilisées (géomorphologie, palynologie, analyse de macrorestes végétaux, anatomie du bois flotté, anthracologie, micromorphologie, archéo-ethno-botanique et paléo-ethno-entomologie) et leur comparaison avec les données archéologiques permettront de mieux cerner les variations climatiques et environnementales holocènes, leur ampleur et leur impact sur la dynamique et les changements culturels des peuples paléo et néoesquimaux (i.e., Inuit). Dans les différents volets, l’étude des témoins (végétaux, insectes, sédiments) sera entreprise en parallèle avec une documentation archéologique précise (origine, type de structure, datation, mode de dépôt) et ces données seront ensuite comparées aux connaissances traditionnelles afin d’obtenir une image reflétant à la fois la réalité nordique et les faits scientifiques. Le module « géomatique » sera ici mis à profit afin d’optimiser les résultats de ces recherches sur le paléoenvironnement ancien et récent.