Nos rivières sont précieuses car nous buvons leur eau plusieurs fois par jour. Le poisson que nous en tirons nous alimente, et ce depuis des temps immémoriaux. Autrefois, les rivières servaient de routes que nous parcourions en qajaq ; aujourd’hui nous les franchissons en canot.
Nous ne voulons pas des barrages que les Blancs veulent construire, car cela affecte notre mode de vie, notre territoire et notre avenir. Cette terre sera celle de nos descendants, ils la contrôleront et négocieront leurs propres conventions avec le gouvernement. Cette terre est la nôtre depuis tellement longtemps. Nous ne voulons pas léguer à nos descendants la colère, nous voulons travailler de concert et rester en paix. Nous voulons que le pays du Canada soit en paix.
Nous vivons dans le Nord où il n’y a pas d’arbres ; depuis de très nombreuses années, nous nous nourrissons de la faune. Chez nous l’hiver est plus long qu’ailleurs, et l’été est court. Pas surprenant qu’il y ait peu de plantes et pas d’arbres. Nous connaissons le rythme de vie du territoire. L’hiver, le mercure descend parfois très bas ; l’hiver est indifférent aux souffrances qu’il nous impose. Les mois les plus froids sont janvier, février et mars. Auparavant, nous passions tout l’hiver dans des iglous, et l’été dans des tentes de peaux de caribou ou de phoque. C’est seulement depuis que les Qallunaats se sont installés dans la région, dans les années soixante, que nous vivons dans des maisons de bois et payons un loyer au gouvernement. Nous connaissons toutes les caractéristiques de la neige car elle a été notre seul abri en hiver. Nous utilisons encore aujourd’hui des iglous quand nous partons chasser à plus d’un jour de voyage.
Nous sommes reconnaissants à notre environnement parce qu’il nous permet de boire l’eau fraîche que fournit la neige. La neige fond en été sous l’action du soleil. Autrefois, les panaks [1] étaient faits de ramures de caribou ou de défenses de morses, matériau traditionnellement utilisé avant le métal. Pour que le panak soit plus lisse et plus coupant, il fallait d’abord le lécher.
L’hiver, les chiens nous transportaient vers de lointains territoires de chasse. Ils pouvaient aussi nous fournir des peaux pour fabriquer des vêtements. L’été, ils nous permettaient de transporter nos provisions. En hiver, les chiens sentent les animaux de très loin et dépistent les trous d’aération des phoques sur la banquise. De plus, par mauvais temps, nos chiens nous ramenaient au camp en toute sécurité.
Texte par Taamusi Qumaq (1992)
[1] Couteaux à neige servant à construire l’iglou